24.03.2016 | LaLibre.be | door Guy Duplat

 

Déjà le Grand cirque Dutroux

 

Il est cruel de voir dans le contexte actuel, le spectacle « Le Grand Cirque » créé au KVS à Bruxelles. Car on y rappelle tous les errements de l’affaire Dutroux et, inévitablement, on fait des liens avec les erreurs possibles des services belges dans la traque aux terroristes.
 
Le KVS a toujours pris à bras-le-corps les problèmes actuels estimant que c’est aussi le rôle du théâtre: la décolonisation, le sort du Rwanda, le nationalisme flamand, le populisme, les tueries du Brabant wallon. Il a demandé à l’auteur français d’origine algérienne Mohamed Kacimi, qui a travaillé avec les grandes scènes françaises, de lui écrire une pièce et il a choisi l’affaire Dutroux.
 
Il s’étonnait que quasi aucun livre ou pièce, ne reparle de ce traumatisme majeur de tout un pays survenu il y a juste vingt ans. Une tragédie née, dit-il, « non d’une colère des dieux mais de l’incurie des hommes ». Il cite Edgard Poe qui disait : « Si on montre l’horreur, elle devient telle qu’on la montre. Si on ne la regarde pas, elle reste incommensurable. »
 
Il s’est plongé pendant un an dans l’affaire, y compris le dossier pénal via Wikileaks. Sa vision est celle d’un extérieur qui n’a pas vécu directement le choc d’août 1996, l’hystérie collective et la Marche blanche. Mais c’est aussi l’intérêt du texte.
 

Remuer la « merde » ?
 
Il a choisi de se concentrer sur les bévues de l’enquête. Le décor est fait d’un enchevêtrement de bureaux, fax, imprimantes. Un fouillis symbolisant la bureaucratie impuissante. Les parents des victimes n’y sont pas entendus, on raille leurs peurs. On revoit par les yeux de Mohamed Kacimi, ce qu’on a vécu: la visite ratée dans la cave de Dutroux, sa fatale libération conditionnelle, les guerres des polices, les sarcasmes à l’égard de Charleroi, de Seraing, de la juge d’instruction ou de la presse. Ce qu’on appela pudiquement les « dysfonctionnements ».
 
« A quoi ça sert de remuer cette merde ? », demande Mohamed Kacimi. « Justement, le théâtre est fait pour remuer la merde quand la merde est toujours là, et que personne ne veut en parler, ou la voir. Le théâtre est là pour dénouer à cœur ouvert, les angoisses de la cité, se faire l’écho des tumultes des cours de justice, non pour condamner sans appel, mais pour essayer de comprendre, de dénouer les fils malades du destin qui relient les hommes aux Dieux. »
 
Ceux qui ont suivi l’affaire Dutroux n’apprendront rien mais en reverront le fil un peu superficiel, dans une tragi-comédie (Shakespeare mêlait déjà comédie et tragédie).
 
La danger est alors ce doute qui s’insinue : après le drame des tueurs du Brabant, après l’affaire Dutroux, la Belgique aurait-elle failli encore dans la traque aux terroristes ?
  

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